Pauline Lassaussois & Les Montres Collector : Faire renaître l'occasion

Décris-nous Les Montres Collector en quelques mots.

 

C’est un département de montres vintages et d’occasion qui s’inscrit au milieu de nos boutiques multi-marques pour compléter notre offre pour les clients.

 

Comment fonctionne le dépôt-vente ?

 

Les clients viennent me proposer des montres. En fonction de leur état, j’estime le prix le plus en adéquation avec l’intérêt qu’elles suscitent. Quand c’est nécessaire, nous les envoyons en révision, directement dans les Manufactures, au sein de nos ateliers. Afin d’optimiser leur visibilité, les montres sont mises en vente en boutique, en ligne sur notre site internet et sur Chrono 24, une plateforme internationale dédiée à l’horlogerie de seconde main. On double tout ça avec notre compte Instagram.

 

Au sein de la Maison Lassaussois, les montres neuves côtoient les montres d’occasion, est-ce une stratégie ?

 

Avant même d’être une stratégie, la position de notre département d’occasion répond à un besoin de nos clients et symbolise un retour à nos origines. Mon père a débuté de cette manière-là. Je me rappelle parfaitement que dans sa première boutique, le neuf côtoyait déjà l’occasion, ce qui lui a permis de proposer à ses clients des garde- temps issus de Maisons horlogères prestigieuses. Dès ses débuts, il a commencé à représenter les Manufactures Rolex, Jaeger-LeCoultre ou encore Cartier. Les clients s’étaient habitués à venir chez lui pour du neuf comme pour de l’occasion. C’était un véritable club de rencontres entre passionnés de belles mécaniques et cet esprit familial a continué de perdurer. Mon père s’est donc consacré, pendant une dizaine d’années, au rayonnement de ces deux marchés très complémentaires et a finalement dû choisir les montres neuves sur la demande de nos partenaires. Néanmoins, nous voyons encore plus aujourd’hui que le marché de la seconde main répond à une véritable demande de nos clients qui cherchaient des montres d’occasion ou qui ne savaient pas de quelle manière renouveler leur collection ou encore vendre une pièce. L’ouverture d’un département entièrement dédié à l’occasion s’est imposée comme une évidence. Nous avons d’abord ouvert une boutique consacrée à ce marché en plein essor avant de revenir à nos premiers amours en réouvrant le département Les Montres Collector au sein de l’une de nos boutiques multi-marques. Ainsi, nous répondons aux demandes de nouveaux clients qui se tournent vers le marché de l’occasion car ils recherchent des modèles rares. Nous voyons également de plus en plus de clients qui souhaitent débuter leur collection par un achat d’occasion et nous ne pouvons que les comprendre ! La seconde main offre un accès à de belles pièces horlogères, à des prix bien étudiés et raisonnés. Notre département nous permet également d’accompagner nos clients historiques, qui possèdent de magnifiques montres, et de les aider à faire évoluer leur collection. Au fil du temps, les goûts changent comme notre manière de vivre et de consommer. Un grand nombre de nos clients se séparent de montres car les diamètres ne leur conviennent plus. Certains de mes clients partent à la retraite et possèdent des collections de 20 à 30 montres, notamment des modèles très habillés qu’ils portaient avec des costumes et qui ne leur correspond plus du tout. Mis à part pour des mariages ou des événements, ils auront tendance à se tourner vers des garde-temps faciles à porter. Bien qu’ils se séparent de certaines montres, la transmission intergénérationnelle est toujours très présente notamment avec des pièces symboliques telles qu’une montre de fiançailles ou un premier modèle horloger. Ces pièces ont forcément une valeur sentimentale inestimable.

 

Pourquoi avoir choisi de diriger ce département ?

 

Lorsque mon père m’a proposé de rejoindre la société en 2015, son souhait était d’ouvrir un département d’occasion et de m’en confier la direction. Nous avons toujours baigné dans la culture horlogère depuis que nous sommes enfants. J’ai vu mon père ouvrir sa première boutique dans les années 90’ et il a su nous transmettre sa passion des beaux objets ! Le marché de l’occasion me fascine particulièrement car il n’y a pas de limites et un caractère historique qui me passionne. J’ai pu recevoir et découvrir des pièces datant des années 60’, 70’, 80’, 90’ ou même 2000. C’est à ce moment que l’on réalise véritablement l’évolution des marques et des styles au fil du temps. C’est absolument captivant. Rejoindre l’aventure familiale par le biais de la seconde main a immédiatement eu beaucoup de sens et fait écho à mon propre rapport avec l’horlogerie. Bien qu’aujourd’hui je m’occupe aussi bien du neuf que de l’occasion, les montres anciennes ont un attrait un peu particulier pour moi. Les Montres Collector est un département complètement différent de ce que nous avions pu proposer jusqu’à présent car il possède une ouverture rare sur toutes les générations. Je dois bien avouer que je m’amuse un peu plus avec les montres d’occasion car sur les collections actuelles nous sommes limités par ce que nos partenaires nous proposent.

 

Parle-nous de l’évolution du marché de la seconde main ces dernières années ?

 

Depuis 2015, quand on a ouvert Les Montres Collector jusqu’à aujourd’hui, le marché de l’occasion a complètement changé et n’avait, à l’époque, pas le même attrait. Il faut savoir que le marché français est en retard, en comparaison des marchés allemand, belge ou encore anglais qui ont su, très tôt, amorcer ce virage. Acheter ou offrir une montre d’occasion a toujours été délicat. Cette tendance est en train de s’inverser et les sujets environnementaux actuels n’y sont pas pour rien. On remet de plus en plus en question sa manière de consommer et des mouvances initiées par Vinted ou encore Lebon coin ont contribué à ouvrir l’horizon de la seconde main. Aujourd’hui, une montre de seconde main est une manière de contribuer à l’upcycling et participe à faire vivre une économie circulaire. Ensuite, particulièrement au moment du Covid, nous avons vu naître l’aspect spéculatif de l’occasion autour de trois Maisons que j’aime appeler le trio d’or : Rolex, Patek Philippe et Audemars Piguet. La rareté du produit est à l’origine d’une vraie spéculation, ce qui explique l’envolée des prix sur le marché de l’occasion. Je pense qu’à cette période, les gens se sont vraiment renseignés et questionnés sur leurs investissements. Les montres sont alors devenues des valeurs refuges concrètes. Plutôt qu’investir dans du fictif avec des placements boursiers, beaucoup ont commencé à considérer l’achat d’une montre comme un bel objet à garder et transmettre. Nous sommes encore relativement libres sur les produits de succession tels que les montres. Au-delà d’une valeur refuge, c’est une valeur de transmission. Nous avons donc vu arriver cette population de collectionneurs spéculateurs qui ont fait grimper le marché pour les trois Manufactures citées, ce qui a engendré une bulle spéculative assez impressionnante, qui a explosé il y a environ un an et demi, deux ans. Aujourd’hui, nous sommes revenus à des standards bien plus normaux, en adéquation avec les modèles. Bien que les prix aient chuté, les montres restent difficiles à trouver ce qui explique que les prix sont plus élevés sur le marché de l’occasion.

 

Quel futur vois-tu pour la seconde main ?

 

Ces dernières années, nous avons observé une vraie mouvance dans la manière de consommer et d’appréhender les achats d’occasion. Ce virage est porté par les jeunes générations qui sont moins attachées au neuf. Une montre bien entretenue peut se transmettre de génération en génération. C’est un objet durable qui avait été laissé de côté quelque temps et qui redevient très désirable, qui habille une tenue. Les femmes qui avaient auparavant tendance à se diriger vers les chaussures ou les sacs à main commencent de plus en plus à se tourner vers l’horlogerie ce qui nous ouvre à une nouvelle clientèle plus féminine. Les hommes sont restés très traditionnels vis-à-vis des accessoires et continuent de considérer la montre comme leur seul bijou, même sur les jeunes générations. C’est vrai que bien que nous ayons quelques bracelets pour hommes, l’offre est assez rare et la montre reste l’accessoire de prédilection. C’est un très bel objet dont l’acquisition représente parfois une forme de réussite, un aboutissement personnel.

 

Que penses-tu de l’impact du e-commerce sur les ventes en horlogerie ?

 

Nous avons toujours considéré la vente e-commerce comme un levier incontournable. Dès l’ouverture du département Les Montres Collector en 2015, nous nous sommes positionnés sur la vente à distance par le biais de notre site internet. C’est un marché très intéressant, qui est d’autant plus valorisant si, comme nous, vous avez un statut de professionnels. Les acheteurs sont parfois plus réticents au regard du nombre d’arnaques et de contrefaçons sur internet, notamment sur la vente entre particuliers. Nous avons la chance de pouvoir pallier cette méfiance en proposant une véritable certification des pièces, une facture. Notre département n’est pas uniquement en ligne, nous possédons un point de vente physique et je suis persuadée que c’est rassurant pour nos acheteurs. Comme j’ai souvent tendance à le dire, il est préférable de venir essayer les montres pour se rendre véritablement compte des diamètres, des proportions à votre poignet. J’espère que nous aurons toujours besoin de boutiques comme les nôtres pour venir voir les montres, les essayer et repartir avec évidemment ! Je suis sûre que le e-commerce continuera de se développer, c’est idéal si vous êtes, depuis longtemps, à la recherche d’un modèle horloger en particulier. C’est peut-être la montre que vous avez longtemps vue au poignet de votre père ou tout simplement votre Madeleine de Proust. En vous inscrivant sur Chrono24, avec une simple alerte vous pouvez rapidement dénicher votre pépite horlogère et même si vous serez surement tentés de l’acheter immédiatement pour ne pas rater une occasion. Cependant, nous ne pouvons que vous recommander de venir l’essayer, dans la mesure du possible, et de pleinement profiter d’une expérience en boutique !

 

Quelle pièce t’as le plus marqué depuis que tu diriges le département Les Montres Collector ?

 

Cette question est beaucoup trop compliquée ! Il y a beaucoup de pièces qui m’ont marqué, beaucoup de montres anciennes mais si je ne devais citer qu’un seul modèle se serait un chronomètre à résonnance de la Manufacture F.P Journe. Ce garde-temps d’exception m’a fasciné par sa simplicité qui contraste avec la complexité de son mouvement. C’est une pièce de haute horlogerie qui illustre parfaitement l’esprit visionnaire de François-Paul Journe. Il faut savoir qu’il est considéré comme le dernier génie vivant de l’horlogerie, tout comme Abraham-Louis Breguet avant lui, François-Paul Journe possède ce grain de folie. Cette pièce est l’une de celles qui m’ont particulièrement marqué mais je croise chaque jour des pépites. Dans toutes les Maisons, on peut trouver des choses iconiques qui passent le temps de manière assez incroyable. 

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